Magazine l’Express – Miglos

Magazine l’Express – 31 juillet 2019

La renaissance d’un château

Une association se bat pour valoriser les vestiges de ce bâtiment accroché à la montagne.

Dressées sur un éperon calcaire, les ruines en majesté.
Christian BELLAVIA / Divergence pour L’Express

Sentinelles Dressées sur un éperon calcaire, les ruines en majesté.

Depuis la route qui nous amène de Foix, ou bien du village de Lapège, de l’autre côté de la vallée de Vicdessos, on ne voit qu’elles. Les ruines du château de Miglos capturent tout de suite l’oeil du visiteur. D’abord lieu de pouvoir des comtes de Foix, le bâtiment s’est mué en simple résidence aristocratique au fil des siècles, jusqu’à son progressif abandon. « Ce qui fait sa spécificité, c’est sa vue sur la montagne et son bâti », explique l’historienne et archéologue Florence Guillot, spécialiste de la haute Ariège.

Racheté par le conseil départemental en 1984, le château n’a été classé monument historique qu’en 1987. C’est à cette date que s’est créée une association vouée à sa protection. Si le donjon et la tour nord-ouest ont encore si fière allure aujourd’hui, c’est grâce aux deux phases de cristallisation menées depuis. Du sable, du gravier et de la chaux ont été utilisés pour consolider les murs. Surtout pas de ciment, pour laisser les pierres respirer.

Martine Guillemot préside aujourd’hui cette association de 170 adhérents, beaucoup plus que d’habitants au village de Miglos. Certains membres habitent en Ecosse ou sur l’île de la Réunion. Si le château a eu différents usages au fil des siècles, sa conservation connaît plusieurs étapes. Des rambardes en bois se dressent à présent pour prémunir les visiteurs de tout risque de chute. « Maintenant que toutes les zones dangereuses ont été protégées, il faut que les gens en profitent, explique Martine Guillemot. C’est ce que nous tentons de faire avec la création d’un sentier d’interprétation. » Ce chemin de 3 kilomètres faisant le tour du château permet de l’admirer sous tous les angles. C’est une entreprise employant des jeunes en réinsertion qui a été mandatée pour rendre le sentier praticable. Des matériaux en bois ont été privilégiés, modifiant le moins possible le terrain. La balade est destinée à séduire les amateurs de vieille pierre et de marche. Elle pourrait attirer un nouveau public à Miglos, à quelques kilomètres à peine de la grotte de Niaux, l’une des rares en France à proposer de découvrir des peintures préhistoriques.

En revanche, la date d’ouverture du château de Miglos aux visiteurs se fait attendre. C’est au conseil départemental d’en décider. A voir l’état du grillage qui l’enserre, on devine que certains se sont déjà offert une visite en avant-première. Faciliter l’accès à ce lieu riche d’Histoire, c’est aussi prendre le risque de l’abîmer. Martine Guillemot n’ignore par les dangers de tags et autres dégradations. « Il y en a partout », soupire-t-elle. Mais il en faudrait plus pour la dissuader d’offrir au plus grand nombre la découverte de ce site qu’elle aime tant.

L’Express – 31 Juil 2019 – Par Jean-Baptiste Daoulas


Randonnée méditative en Ariège

Niché dans la montagne, le village de Miglos est une fenêtre ouverte sur le parc naturel des Pyrénées ariégeoises.

Une marche en douceur au-dessus de Miglos, lieu de silence et de ressourcement.
Christian BELLAVIA/Divergence pour L’Express

Dans les estives Une marche en douceur au-dessus de Miglos, lieu de silence et de ressourcement.

Bienveillant au Castel, Richard van Egdom prend soin de ceux qui sont venus «ne rien faire».

De Belgique, des Pays-Bas ou d’ailleurs, quelques esprits en quête de quiétude connaissent la route du Castel. Jurgen, l’étudiant en médecine allemand, est à l’étage. Il potasse ses cours de néerlandais. Daniel, le psychologue français, est parti s’isoler quatre semaines dans la montagne avec, comme seules armes pour faire le point sur sa vie, une carte et une balise d’urgence. D’autres viendront dans l’été. Niché dans le village de Miglos, au coeur des Pyrénées ariégeoises, le Castel est leur port d’attache. A la fois petit château et métairie, avec la montagne comme arrière-cour, il a abrité derrière ses hauts murs de pierre plusieurs générations de barons de Miglos jusqu’au xixe siècle. Les vestiges de leur chapelle témoignent encore de leur piété. C’est à Richard van Egdom, Bruxellois de 72 ans, que la bâtisse doit sa conversion en un gîte associatif.

Le calme du Castel n’est qu’un avant-goût, le préambule à une randonnée méditative dans la montagne. Savoir où planter sa tente n’est pas inné. Richard n’hésite pas à accompagner les moins aguerris pour de courts séjours. Les plus autonomes, comme Daniel, n’ont besoin que d’être déposés à un endroit précis, puis récupérés quatre semaines plus tard dans un lieu convenu à l’avance. La méthode est simple. Un jour de marche, deux jours à ne rien faire, ainsi s’écoulent ces semaines de randonnée. Un jour pour s’orienter et regarder où l’on met les pieds, les deux suivants pour faire le vide et méditer. Ne rien faire, c’est compliqué. Il faut accepter de n’emmener ni tablette ni téléphone. Pas même un livre pour passer le temps. Rien. « Il y a un moment d’ennui. Puis les choses commencent à se décanter, promet Richard. Il s’agit d’une réflexion sur la vie, comment changer de cap pour retrouver le bonheur, y voir plus clair, rendre les choses plus humaines. » Le cheminement est un voyage intérieur. Passer de lac en lac pour mieux noyer ses tracas. Rêvasser dans les estives, le regard perdu dans les vallées environnantes. Franchir la frontière de l’Espagne, avant de revenir à soi. A leur retour au Castel, les randonneurs sont invités à s’écrire une lettre à eux-mêmes. Quelques semaines plus tard, Richard leur postera le texte pour leur rappeler, après leur retour à la vie quotidienne, le fruit de leur méditation dans la montagne.

Un mystère tout écossais nimbe les ruines

Nul besoin de partir camper pour admirer la vallée de Miglos. Les moins sportifs peuvent faire en moins de deux heures le tour des cinq hameaux qui composent ce village millénaire. Norrat, le plus ensoleillé. Norgeat, plus à l’ombre. Arquizat, connu pour son église romane minutieusement rénovée par des passionnés, mérite une étape. Le roc de l’Andourra, impressionnant rocher, marque le lieu où les marchands venus d’Andorre payaient un droit de passage sur la route de Foix. L’attraction principale d’Arquizat reste son château, dont les pierres changent de couleur au cours de la journée. Rougeoyantes au lever du soleil, presque blanches à midi, plus sombres à l’heure du coucher. Les jours de brouillard, c’est un mystère tout écossais qui s’empare de ses ruines. Au loin s’élève le massif de Bassiès. Cette année, la canicule du mois de juin a eu raison de sa couronne blanche, elle qui d’ordinaire perdure jusqu’au début du mois d’août.

Arquizat L’un des cinq hameaux que compte la commune.

Ici, la chaleur de l’été peut être étouffante. On se réfugie alors sur le sentier ombragé qui fait le tour du château, en se gardant de goûter aux prunes sauvages, désaltérantes mais si amères. La balade ouvre une fenêtre sur un passé austère. Ces petits prés construits en escalier sur la montagne, couverts de fleurs multicolores au printemps, étaient tous cultivés jusqu’au dernier lopin de terre quand le village comptait plus d’un millier d’habitants, contre une centaine aujourd’hui. Les anciens ont entendu leurs aînés raconter comment, enfants, il leur arrivait d’y cueillir des lentilles. Déserté dans la seconde moitié du xxe siècle, Miglos retrouve une courbe de population ascendante, bien que fragile. La maire, Marie-Anne Masdieu, se bat pour maintenir l’existence d’un regroupement pédagogique dans le village voisin de Niaux.

Quand la contemplation mène au silence

Même s’il est a la portée de tous, l’un des trésors de Miglos reste un secret bien gardé. Les habitants hésitent à l’ébruiter pour ne pas perturber les bergers ariégeois, dont les bêtes supportent difficilement le bruit. Une fois passé le hameau de Norrat, la route goudronnée se mue en piste rocailleuse qui monte en direction du col de Larnat. Il faut persévérer, malgré les cahots, aussi loin que son véhicule consent à rouler. Continuer à pied son ascension jusqu’au roc Darnat. Et, une fois arrivé, s’abandonner à la contemplation du panorama. D’un côté, la vallée de l’Ariège, de l’autre, celle de Vicdessos. Entre les deux, des pâturages à perte de vue, comme suspendus dans le ciel. Les mots sont devenus inutiles. Dans l’esprit du promeneur solitaire, une paix indicible a chassé tout le reste.

L’Express – 31 Juil 2019 – Par Jean-Baptiste Daoulas