L’érudit Casimir Barrière Flavy disait de lui dans la préface de son livre la Baronnie de Miglos (édité en 1894): « mais il en est un, doublé d’un compositeur, que nous devons mentionner (au risque d’effaroucher sa trop grande modestie), dont l’hymne à l’Ariège est vibrant d’harmonie et d’enthousiasme patriotique.

Mon excellent ami l’abbé S.Maury ne m’en voudra pas je pense, de l’avoir nommé ici, puisqu’il est presque originaire de Miglos, qu’il en est aujourd’hui le zélé pasteur, et que naturellement il doit trouver sa place, quelque petite qu’il veuille, dans cette étude sur la vallée de Miglos ».


Bulletins de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts

A Miglos d’après les usages anciens

Il existe, dans la paroisse de Miglos, une coutume, très digne d’attention, relativement à la nomination des marguilliers. On désigne encore, par ce terme, les employés qui servent l’église, passent les plats pour la quête, allument les cierges, distribuent le pain bénit, font les quêtes à domicile, etc. Je crois devoir signaler cette coutume parce qu’on ne la retrouve pas ailleurs.
Les marguilliers, au nombre de six, sont changés tous les ans. Le matin du premier jour de l’an, à la messe, et sans avoir préalablement consulté ou informé les intéressés, le curé proclame les noms de ceux qui ont été choisis par le conseil de fabrique. De la sorte, tous les paroissiens, à tour de rôle, doivent servir l’église. Cette coutume est d’autant plus curieuse, qu’elle est très ancienne. J’ai lu dans les anciens registres de la paroisse les procès-verbaux d’installation des marguilliers, depuis l’année 1732 à 1745. Ils sont tous rédigés d’après la même formule; en voici un modèle: « L’an mil sept cent trente deux, et le premier jour de l’an, fête de la circoncision, suivant l’usage immémorial, six nouveaux marguilliers ont été nommés au prône: ce sont: (suivent les noms). Après la messe, tous se sont rendus à la sacristie et, devant la croix, ont prêté serment de fidélité et de zèle pour le service du temple saint.

Fait à Miglos, le premier janvier 1732. « Le curé, DE MOTHES. »
Communication de cette note a été faite dans la séance du 17 mai 1897.
SABAS MAURY, Curé de Miglos

Ces documents établissent que la tradition n’a jamais été interrompue.
Il serait peut-être intéressant de rechercher si cet usage était autrefois plus répandu dans nos pays, et si les marguilliers n’avaient pas des attributions plus étendues, par exemple, s’ils ne remplissaient pas les fonctions du conseil de fabrique.

SABAS MAURY, Curé de Miglos
Bulletins de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts , Saint Girons tome VI, 1897/1898


La Croix du Cimetière

ÉPISODES de la Révolution de 1793 – Parus dans…

Le 25 septembre 1793 avait été jour de foire à Tarascon. Jacques Gardes, un des plus gros propriétaires de Miglos, un pagès, comme on dit chez nous, y avait conduit une belle génisse noire, « la marcari », mais l’avait ramenée sans la vendre.
Rentré chez lui à la nuit tombante, il s’assit, en un angle obscur de la vaste cuisine, et longtemps demeura, la tête dans les mains, immobile et muet.
Successivement rentrèrent du travail ses quatre fils, beaux gars aux épaules robustes, aux membres solidement musclés.

Mes enfants, leur dit-il en se levant, nous vivons en des temps bien malheureux. Ceux qui mènent la France ne sont pas des Français. Ce sont des Turcs, des païens, des sauvages, que sais-je ?
Il ont tué le roi qui était un brave homme, le véritable ami du peuple. Ils font couler des flots de sang, et du plus pur.
Nous insultant dans ce que nous avons de plus cher, dans notre foi, ils ont souillé et fermé les églises, brisé les cloches, exilé ou guillotiné les prêtres, de sorte que les enfants grandissent sans baptême, et que les vieillards meurent sans confession.

Tout cela, vous le saviez, reprend le paysan. Mais ce que vous ignorez, c’est qu’à leurs forfaits ils viennent d’en ajouter un nouveau. Ces monstres-là ne respectent pas même la mort. Ecoutez ! Ecoutez, et vous verrez si ma colère n’est pas légitime. C’est un nouvel arrêté du Directoire du district que j’ai entendu publier ce matin dans les rues de Tarascon. Je n’en ai pas oublié un seul mot, car chaque mot m’était un fer rouge enfoncé dans le cœur : « Par ordre du Directoire du district, toutes les croix des cimetières seront coupées ; et les croix en fer seront converties en piques pour être offertes à la nation. » (Textuel.)
« Et aussitôt j’ai songé à votre pauvre mère, à cette sainte qui, depuis six mois repose en terre. Et l’on arracherait la croix qui marque sa tombe ! La croix qui la rappelle à notre souvenir, à nos prières ? Non, non, cela ne se fera pas. Je saurai bien l’empêcher. Qu’en pensez-vous, enfants ?

Comme un seul homme, les quatre jeunes gens se lèvent, redressant leur tête énergique, une flamme dans les yeux, brandissant leurs bras nerveux vers l’ennemi invisible, menaçants, terribles, ils s’écrient :

Cela ne se fera pas ! Qu’ils y viennent !

Le père les considéra un instant avec une heureuse fierté ; puis, plus lentement encore, il continua :

Depuis ce matin, je songe au moyen d’empêcher la profanation de la tombe de notre chère morte. Je n’en trouve qu’un. Je le tenterai. Mais j’ai besoin de votre concours.

Et les enfants :

Parlez, père, que faut-il faire ?

Le voici : demain, les sbires du District viendront accomplir leur hideuse besogne. Armés de nos haches, nous irons nous placer sur la tombe de votre mère ; et puis… malheur à qui toucherait à sa croix ! Qu’en pensez-vous ? »

Alors, le fils aîné, étendant sa main, dans un geste d’une magnifique éloquence, froidement, stoïquement, répond :

« Je jure qu’ils m’égorgeront avant de souiller la tombe de ma mère ! »

Chacun des autres fils répéta le même serment.
Le lendemain, dès l’aube, les cinq paysans sont à leur poste. Le soleil levant fait jaillir des gerbes d’étincelles des haches fraîchement effilées qu’ils portent sur l’épaule.
Surpris de cette singulière faction, les habitants du village en demandent la cause. Jacques la leur dit. Et comme une traînée de poudre, l’événement court de maison en maison. Bientôt, de tous les chemins, débouchent d’autres hommes, des jeunes et des vieux, tous armés de la terrible hache, tous se dirigeant vers le cimetière. Ils y sont près de deux cents.
Eux aussi, ils veulent défendre jusqu’à la mort la croix de ceux qu’ils ont perdus.
A midi, un des commissaires du District se présente, escorté de quinze volontaires nationaux. Jacques s’avance fièrement vers lui.

– « Que voulez-vous ? » lui dit-il.
– « Nous voulons, répond le commissaire, remplir notre mission ».

– « Le premier, s’écrie le paysan, transfiguré de colère, et brandissant son arme terrible, le premier qui entrera dans le cimetière, je lui fends le crâne. »
Pris d’une frayeur bien compréhensible, le commissaire et son escorte reculent sans répondre ; puis, tremblants, reprennent le chemin de Tarascon. Jamais plus on ne les revit.
Voilà comment, aux jours de la Terreur, les croix ne furent pas arrachées au cimetière de Miglos.


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